La loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE) entrée en vigueur le 2 juillet 2016 est le fruit rare, voire exceptionnel, d’un consensus politique prometteur. Dans l’intention du moins.
Je vais tenter ici d’analyser son véritable potentiel et dans quelle mesure elle permettrait de mettre fin à la guerre des transports qui sévit dans notre canton.
Ce billet fait suite à mon commentaire sur le blog de Jean d’Hôtaux qui s’interroge sur l'(in)action des autorités en matière de mobilité, où je m’engage à développer mon analyse.
Je passe sur les questions du réel pouvoir du magistrat en charge et du fonctionnement de nos institutions que je traite dans ce commentaire pour me concentrer sur les orientations qui m’ont été communiquées par les responsables de la Direction Générale des Transports (DGT) et leur impact programmé.
Dans son principe, la LMCE vise à hiérarchiser les divers modes en fonction des zones, avec un accent particulier sur la mobilité douce et les transports publics (TP) dans l’hyper-centre. Sauf l’exception notoire du « U Lacustre » qui devient presque une semi-autoroute au coeur de la cité. Les travaux ont commencé. Il s’agit de comprendre que cette entorse grave au principe qui réduit considérablement l’impact espéré est censé être provisoire, dans l’attente d’une traversée du lac.
Sauf que… eh bien cette traversée, du moins telle qu’elle a été envisagée par 62 % des Genevois en 2016, semble déjà enterrée et n’est plus même évoquée dans les milieux qui comptent pour toutes sortes de raisons que j’évoquerai plus en détail dans un autre billet.
Les grandes lignes de la mise en oeuvre
Dans l’optique des grands travaux qui commenceront en 2023 pour l’agrandissement de la gare Cornavin, la rue de Lausanne sera complètement fermée aux transports individuels motorisés (TIM) et la place Cornavin deviendra piétonne.
L’autre axe majeur et incontournable de la rue de Lyon verra le même sort que la Servette avec la création d’un site propre pour les TP.
Ce sont donc les deux artères vitales qui seront fermées pour obliger les TIM à contourner la ville via la moyenne ceinture et ce, en violation du principe de favoriser la circulation sur des axes structurants qui permettent la pacification des quartiers.
S’il est souhaitable de limiter tant que faire se peut les pénétrantes, la condamnation de ces deux axes majeurs avant la réalisation d’une traversée du lac promet un chaos que nos experts ne semblent pas réaliser. Notamment lorsque nous prenons connaissance du rapport Mobilité 2030 de Mme Künzler qui prévoit l’augmentation de 30 % des TIM à cet horizon et indépendamment des incidences du Léman Express dont nous vérifierons l’impact.
Pour tenter de compenser les conséquences inévitables et mal évaluées de ce choix, la moyenne ceinture devrait devenir plus fluide avec la suppression du rond-point Pailly-Crozet et l’étude du franchissement du carrefour du Grand-Lancy. Toutefois, le trafic sera redirigé sur la route de Meyrin pour rejoindre Hoffman et Giuseppe-Motta si la liaison directe vers la route des Nations via les Coudriers n’est pas envisagée.
Conclusion provisoire
Si je suis en accord avec les principes de la LMCE, j’observe que ces premiers éléments de mise en oeuvre promettent un chaos tel que le magistrat qui sera en charge de ce département ne survivra pas à la colère populaire. Il y aurait pourtant une solution relativement simple qui permettrait d’aller de l’avant avec ces projets de contournement et susceptible de satisfaire le plus grand nombre, toutes sensibilités confondues.
Mais elle implique un courage politique et une autorité conciliante qui sait faire taire les intégrismes.
Réaliser d’ici 2030 une traversée de la rade entre Malagnou et le hub des Nations qui sont des accès directs au réseau autoroutier et le bouclage du Léman Express entre la gare des Eaux-Vives et celle de Sécheron sans devoir agrandir Cornavin.
Je reviendrai sur ces propositions qui m’ont été inspirées par les projets Weibel. Et je continuerai à dénoncer l’omerta coupable des politiques et des médias sur ces options réalistes tant en termes de moyens financiers que de délais, mais surtout dans leur capacité de véritablement régler les questions de flux et le respect des orientations tracées dans la LMCE.
Je prétends qu’il est possible d’améliorer considérablement la qualité de vie en ville en la débarrassant du trafic parasitaire à la condition incontournable d’offrir des alternatives avantageuses et surtout renoncer à la politique de brimades et d’obstacles artificiels destinés à décourager l’usage de certains modes.
Je me fais fort de convaincre les Verts et tous les tenants de la mobilité douce qu’une traversée de la rade leur permettrait de réaliser leurs rêves les plus fous.